Le mythe du matérialisme de plus en plus globalisé a tendance à faire de l’économie la mesure de toute chose. La définition manipulée et tronquée de la pauvreté, les systèmes intentionnellement mis en place par le capitaliste sauvage dans sa forme ultra libérale réduisent les instruments de mesure de la pauvreté et de la richesse aux seules valeurs économiques. La Banque Mondiale définit le seuil de la pauvreté en valeur monétaire (1,25 dollar par jour, 2 dollars par jour, etc.). Selon cette norme, les hommes les plus riches du monde sont ceux qui possèdent le plus de dollars. Les pays dit développés sont ceux qui ont accumulés suffisamment de bien matériels et acquis une puissance militaire les rendant apte à dominer et à contrôler le reste du monde sans être eux même soumis aux autres. Cette vision réduite fait de notre monde moderne un otage de l’économie. La crise financière actuelle en a fait la démonstration d’une façon éloquente et éclatante. Les politiques prennent progressivement la mesure de la situation mais ont-ils encore assez de ressource pour rebondir et réorienter les choses ?
La focalisation outrancière sur l’avoir nous fait réduire progressivement l’importance des autres dimensions essentielles de la vie que sont la culture, les valeurs, l’éducation, la religion, etc. En nous polarisant sur l’avoir, notre monde glisse subtilement vers un déséquilibre aliénant et dangereux. Le mythe du tout économique fait que les gens se polarisent sur le développement entendu exclusivement comme accumulation de biens et richesses matérielles. Les réflexions et les investissements sur la culture, l’éducation, le développement humain sont relégués au second plan. Même quand il y a des volontés qui s’en préoccupent, la censure économique est tellement forte que ces volontés sont contraintes à abandonner. Et quand l’on se réserve un espace pour les aborder, on les aborde dans une perspective utilitariste, non pour leur valeur en soi. Pourtant, il est si évident qu’aucun développement vrai et durable ne peut être envisagé sans les dimensions culturelle et identitaire. Car toute société humaine doit suffisamment être détachée pour choisir dans le temps et dans l’espace, le type d’orientation au développement qui lui convient, son rapport à l’avoir, son rapport au monde et à son environnement. Ce détachement, nécessaire à toute émergence d’une nouvelle alternative ne peut se construire que sur la base des valeurs se retournant dans tous les sens et débouchant sur une synthèse elle-même toujours en devenir. C’est pourquoi le développement dans sa plénitude est par essence d’abord liberté.
Le tout économique actuel tue dans l’œuf la possibilité de l’émergence d’un autre type de société qui s’inventerait à partir des valeurs autres. Il est même à se demander si ce n’est pas cette orientation déséquilibrée sur l’économique qui cause la défaite de la pensée dans notre monde actuel où les idées fondatrices nouvelles ont du mal à naitre et à subsister. Est-ce ce pragmatisme de consommation qui nous pousse à nous focaliser sur ce qui est utilitaire et immédiat et à nous distraire, nous éloignant ainsi de la noble richesse de la liberté créatrice que l’avoir seul ne peut saisir ? N’est-ce pas ce même tout économique qui nous conduit à détruire les ressources naturelles de notre planète à une vitesse inégalée et à saccager notre environnement sans penser à l’avenir de notre humanité ?
Certaines données statistiques suggèrent que dans son histoire notre monde n’a jamais accumulé autant de richesse que celles accumulées durant les 20-30 dernières années. Mais ce sont aussi ces 20-30 années qui nous montrent que la pression que nous exerçons sur notre environnement est inappropriée et dangereuse. Ce sont aussi ces 20-30 dernières années qui ont démontré une pauvreté énorme dans le domaine de la pensée. Tout se passe comme si nous nous contentons de profiter du gâteau sur notre table, oubliant que notre monde a toujours besoin de s’ouvrir à des perspectives lointaines.
L’Afrique comme continent cherchant à frayer son chemin doit penser autrement. Pendant que nous réinventons un nouveau monde, l’Afrique doit intentionnellement refuser de se laisser prendre au piège du tout économique et du matérialisme faisant miroiter un bonheur illusoire. Il nous faut réinventer un nouveau monde où l’économique doit être intégré de façon équilibrée à l’ensemble des systèmes et valeurs capables de fonder l’identité et l’être de notre humanité. Tel pourrait être le noble chemin vers la vraie liberté et qui pourrait nous ouvrir des horizons nouveaux et enrichir notre humanité rendue monolithique par le système actuel. Une telle démarche nécessite des réflexes et des paradigmes nouveaux. Nous ne devons pas nous laisser anesthésier par les semblant d’exigences de l’immédiateté première qui nous conditionnent et nous réduisent à la bestialité. Nous devons à l’image du laboureur avoir à l’esprit la vision d’une récolte fructueuse suite à un travail patient et dur de défrichage, de sarclage et de retournement de la terre car un espace de liberté ne se conquiert pas toujours en actionnant un bouton.
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